vendredi 11 février 2011

Etre écrivain ?

Paul.

« Ah ! il me manque Virginie ! Sans elle je n'ai rien ; avec elle j'aurais tout. Elle seule est ma naissance, ma gloire, et ma fortune. Mais puisque enfin sa parente veut lui donner pour mari un homme d'un grand nom, avec l'étude et des livres on devient savant et célèbre : je m'en vais étudier. J'acquerrai de la science ; je servirai utilement ma patrie par mes lumières, sans nuire à personne, et sans en dépendre ; je deviendrai fameux, et ma gloire n'appartiendra qu'à moi.

Le vieillard.

« Mon fils, les talents sont encore plus rares que la naissance et que les richesses ; et sans doute ils sont de plus grands biens, puisque rien ne peut les ôter, et que partout ils nous concilient l'estime publique : mais ils coûtent cher. On ne les acquiert que par des privations en tout genre, par une sensibilité exquise qui nous rend malheureux au-dedans, et au-dehors par les persécutions de nos contemporains. L'homme de robe n'envie point en France la gloire du militaire, ni le militaire celle de l'homme de mer ; mais tout le monde y traversera votre chemin, parce que tout le monde s'y pique d'avoir de l'esprit. Vous servirez les hommes, dites-vous ? Mais celui qui fait produire à un terrain une gerbe de blé de plus leur rend un plus grand service que celui qui leur donne un livre.

Paul.

« Oh ! celle qui a planté ce papayer a fait aux habitants de ces forêts un présent plus utile et plus doux que si elle leur avait donné une bibliothèque. » Et en même temps il saisit cet arbre dans ses bras, et le baisa avec transport.

Le vieillard.

« Le meilleur des livres, qui ne prêche que l'égalité, l'amitié, l'humanité, et la concorde, l'Évangile, a servi pendant des siècles de prétexte aux fureurs des Européens. Combien de tyrannies publiques et particulières s'exercent encore en son nom sur la terre ! Après cela, qui se flattera d'être utile aux hommes par un livre ? Rappelez-vous quel a été le sort de la plupart des philosophes qui leur ont prêché la sagesse. Homère, qui l'a revêtue de vers si beaux, demandait l'aumône pendant sa vie. Socrate, qui en donna aux Athéniens de si aimables leçons par ses discours et par ses mœurs, fut empoisonné juridiquement par eux. Son sublime disciple Platon fut livré à l'esclavage par l'ordre du prince même qui le protégeait : et avant eux, Pythagore, qui étendait l'humanité jusqu'aux animaux, fut brûlé vif par les Crotoniates. Que dis-je ? la plupart même de ces noms illustres sont venus à nous défigurés par quelques traits de satire qui les caractérisent, l'ingratitude humaine se plaisant à les reconnaître là ; et si dans la foule la gloire de quelques-uns est venue nette et pure jusqu'à nous, c'est que ceux qui les ont portés ont vécu loin de la société de leurs contemporains : semblables à ces statues qu'on tire entières des champs de la Grèce et de l'Italie, et qui, pour avoir été ensevelies dans le sein de la terre, ont échappé à la fureur des barbares.

« Vous voyez donc que, pour acquérir la gloire orageuse des lettres, il faut bien de la vertu, et être prêt à sacrifier sa propre vie. D'ailleurs, croyez-vous que cette gloire intéresse en France les gens riches ? Ils se soucient bien des gens de lettres, auxquels la science ne rapporte ni dignité dans la patrie, ni gouvernement, ni entrée à la cour. On persécute peu dans ce siècle indifférent à tout, hors à la fortune et aux voluptés ; mais les lumières et la vertu n'y mènent à rien de distingué, parce que tout est dans État le prix de l'argent. Autrefois elles trouvaient des récompenses assurées dans les différentes places de l'église, de la magistrature et de l'administration ; aujourd'hui elles ne servent qu'à faire des livres. Mais ce fruit, peu prisé des gens du monde, est toujours digne de son origine céleste. C'est à ces mêmes livres qu'il est réservé particulièrement de donner de l'éclat à la vertu obscure, de consoler les malheureux, d'éclairer les nations, et de dire la vérité même aux rois. C'est, sans contredit, la fonction la plus auguste dont le ciel puisse honorer un mortel sur la terre. Quel est l'homme qui ne se console de l'injustice ou du mépris de ceux qui disposent de la fortune, lorsqu'il pense que son ouvrage ira, de siècle en siècle et de nations en nations, servir de barrière à l'erreur et aux tyrans ; et que, du sein de l'obscurité où il a vécu, il jaillira une gloire qui effacera celle de la plupart des rois, dont les monuments périssent dans l'oubli, malgré les flatteurs qui les élèvent et qui les vantent ?
Bernardin de Saint Pierre, Paul et Virginie

Morceau choisi 1

 LA POLITIQUE ....
La politique est un sport de combat dont la pratique ne change pas fondamentalement d'un pays à l'autre. C'est un sport dans lequel aucun coup n'est vraiment régulier, ni absolument décisif. Un sport dont les règles peuvent se trouver bouleversées en cours de partie, obligeant le meneur de jeu à se muer en porteur d'eau (ou vice -versa). Un sport qui peut causer à ses adeptes d'irréparables meurtrissures à l'âme. ©KÀLIFA in L'ESSOR quotidien N° 16321 du 12 Novembre 2008

Petite Prose Poétitique

Vie vécue
Je ne suis guère le cœur, le pouls qui bout de chaleur. J'ai cessé d'être le pas qui bat la mesure. Mon désir ne fait plus la césure, celui qui rompt de frénésie et d'envie les veines d'une vie vivante de mort et moribonde de vie.


Com... Communication« La ville corrompt », avait prévenu le vieil homme, paysan villageois. « Garde sur toi une prévention au soleil détenue et tu ne seras point ce malfrat maintenu à l'ombre des jours. »
Le villégiateur écouta, « la campagne est bien paisible car semée de naïveté par des têtes pas mieux pensantes que les bêtes aux araires à la traîne ».
Et il murmura : « Vieille ville, l'envie de violence veille en toi. Vois cette vieille fille vrillée d'émoi. Epouse ses rapports de civilité et avorte sa peur de solitude. »


Au bon vieux temps !
Rhétorique ou réminiscence, la nostalgie de notre passé ne peut être que de générosité. Trop souvent embellis par atavisme, ce passé, nous l'avons perdu quand même ; sans même prendre en compte que son trépas fut le fruit de notre refus voulu de dompter la réalité des faits.


Sans identité
Je suis sûrement l'âme moulue l'âme fondu par les jours maudits d'un soleil de misère.
Comme d'un sorcier pubère surpris par une aube précoce dans son taudis, j'apprends à connaître les couleurs à l'effet du jour et des douleurs.
A l'horizon s'écume l'égocentrisme humanum, bien oui errare humanum, et brille sur mon corps le malheur, celui d'être gardien des trésors des dieux, ressources du monde de développement.
Mon âme en peine a ses qualificatifs mutants car les slogans sont partisans et temporellement militants : « tiers monde, sous développés, en développement, moins avancés. »
Assez de ce choléra, théories du développement. Je veux être citoyen du monde, sur la terre ; même si je demeure l'amant castré fidèle aux amies perverses.
Bien châtré je féconde des rêves fous de procréation, le développement-monde. Géniteur de succès bâtard, je file la laine de mon infertilisation et ma virilité violée me rend bavard. Par la hantise des lendemains meilleurs, je suis sauce de tous plats.

Ma poésie 1

MES MOTS, MON ENCRE
C'est vrai,
J'ai perdu ma plume
Dans le courant fuyant de l'harmattan.
Eh oui,
J'ai perdu ma voix
Quand s'est asséchée ma gorge
Brûlée par le souffle chaud et sec
Du vent tropical continental.
J'eus l'envie de partir
Sans vie,
Me laisser emporter au vent
Et voler léger
Comme morte feuille,
Au cœur d'un tourbillon de vie.
Et est arrivée la mousson
Avec sa moisson de vapeur
Au dessus des eaux saillant
Leur glace à la face du soleil.
S'installe l'humidité
Qui mouille mon encre
Et revient mon verbe.
Pour l'accoucher vert avec verve
J'humecte mes lèvres de rosée
Fleurie sur les feuillages naguère
Flétries au chaud.
Comme les poètes, en coupes fleuries,
Je voudrais servir mes mets
En bijoutier des mots,
En artisan du langage.



Biographie


 Né à Koutjenebougou, Cercle de Sikasso dans le sud du Mali,  Hamidou est co-promoteur d'une PME travaillant dans le domaine de la propreté urbaine et s'est beaucoup investi dans le milieu associatif jeune dans le domaine de la promotion des GIE d'assainissement à Bamako au début des années 1990. Il est président de l'Association de Solidarité Numérique au Mali (ASSONUM). En dehors de son activité professionnelle, il reste un passionné de littérature

Il a déjà publié :

En Littérature
-Fèn Bèè Fan, 1996, Editions Jamana (livre pour enfants en Bambara)
-Nouvelles d'ici, 1995, Editions Jamana (ouvrage collectif en français)
-Poèmes d'ici, 1995, Editions Jamana (ouvrage collectif en français)
-Maana nciinin nyògòndan sèbènni bamanankan na (1993 san nyògòndan), 1994, Editions Jamana (ouvrage collectif du concours de la meilleur nouvelle 1993 en Bambara)
-Nsirin Nin Kèra Kungosogow ye, 1994, Sahelienne (ouvrage collectif de quelques contes du pays en Bambara)
-Veillées en larmes, 2007, Le Manuscrit (recueil de nouvelles édité en ligne)

En Travaux de recherche :
-Kaaba, 1994, Sahelienne (ouvrage sur la monographie de Kangaba en Bambara)
-Umwelt und Urbanität in Westafrika : Beiträge zur Müllverwertung und Abfallproblematik, 2002, Brandes & Apsel /Südwind, (ouvrage collectif en allemand)