La démocratie malienne mal en
point depuis les partis politiques donnera difficilement un pouvoir
démocratique aux maliens. Les principaux animateurs de la scène politique sont
les partis or leur gestion et surtout le mode de désignation des responsables à
certains postes de mission hautement stratégique tant pour le parti que pour le
pays est souvent des plus opaques. Il y a certes des élections pour animer les
différents organes des partis, mais la gestion d’ensemble est plutôt de type
patrimonial. A quelques exceptions près les partis sont plus des instruments
aux mains et au service d’un leader. Alors les choix qui devraient être faits
sur une base transparente ont tout l’air d’un montage qui cache mal la volonté
du prince. Ainsi celui ou ceux qui ne sont pas d’accord avec le
« chef » se donnent comme choix de partir. Ils partent le plus
souvent en créant leur propre parti. Partir, c’est peut-être plus facile et
plus simple ; d’autres ont tenté la bataille judiciaire, mais le résultat
final est toujours presque le même.
L’absence de limitation du nombre
des partis politiques encourage les acteurs à ne pas trop forcer la compétition
interne pour corriger souvent des problèmes de gouvernance à l’intérieur des
formations politique. La conséquence est une sorte de prolifération des
formations qui se créent au gré des humeurs et des frustrations. Cette
atomisation des partis politiques contente tous ceux qui ont une prétention de
leadership, même si ce dernier n’est que de façade. Mais c’est souvent des
trophées sans combat et donc sans mérite. Quand on n’a pas appris à se battre
démocratiquement au sein de sa formation politique, peut-on le faire
convenablement contre d’autres formations politiques de l’arène ? J’en
doute ! Mais pire, à quoi doit-on s’attendre de la part des gens qui
poussent leurs contradicteurs à la porte pour être vraiment rois à bord ?
Rien d’autre qu’une autocratie déguisée !
Sur un autre plan, le manque de
sanction des formations politiques fantômes reste un manque à corriger dans le
dispositif réglementaire autorisant la création des partis politiques. Tout
parti se crée pour la conquête et l’exercice du pouvoir. Qu’importe le niveau
d’exercice, (local régional ou national), un parti qui n’arrive pas à présenter
de candidat pendant trois scrutins successifs organisés après sa création ne
devrait plus bénéficier du bénéfice de son récépissé.
Toutefois la solution
réglementaire ne sera pas la seule contrainte qui obligera les acteurs
politiques à être plus combatifs au sein de leurs formations et à renoncer à la
solution du départ en cas de désaccord. La menace d’un affaiblissement
préjudiciable aux acquis du parti peut être une autre contrainte. C’est
justement ça le cas de figure l’ADEMA-PASJ. Grande parti vainqueur des
premières élections démocratiques, le problème de gouvernance s’est posé à
l’ADEMA-PASJ durant les épisodes de 1994, 2000 et 2002 qui ont vu les départs
de feu Mamadou Lamine TRAORE fondateur du MIRIA, de Ibrahim Boubacar KEITA pour
créer le RPM et de Soumaïla CISSE pour la naissance de l’URD. Si en 1994 la
situation n’a pas été ressentie avec grande peine, il n’en a pas été de même
pour les deux autres départs qui ont suivi. L’électorat malien n’est pas
extensible à l’infini et chaque scission est désormais une menace directe pour
le parti.
La crise de leadership au sein de
l’ADEMA amorcée depuis 1994 n’a jamais été convenablement gérée. Cette crise se
cristallise à l’approche de la désignation d’un candidat pour la présidence de
la République. L’on a cru bien faire en initiant des primaires en 2002. L’une
des conséquences de l’échec de cette initiative est le départ massif des
militants qui ont créé l’URD. En 2012 il y a eu beaucoup de tractations pour avoir
un candidat et faute d’élections l’on ne peut préjuger de ce qu’aurait été le
niveau de soutien de ceux qui avaient voulu se présenter contre le président du
parti.
L’on peut dire que l’absence
d’élections n’a fait que reporter les problèmes internes de l’ADEMA-PASJ. Pour
les échéances de juillet prochain, un candidat vient d’être investi. Mais ni
les conflits post primaires de 2002, ni les hésitations de 2012 n’ont permis à
ce parti, qui ne manque pas de cadres compétents, de tirer les leçons de ses
errements. Personne ne peut garantir que le parti sortira indemne de cette
nième épreuve de primaires mal préparées.
La réalité est qu’il faut se
rendre à l’évidence. Le parti n’est pas suffisamment prêt, au stade actuel de
notre démocratie pour l’épreuve des primaires. Il y a beaucoup d’efforts
internes à faire dans nos formations politiques pour instaurer une bonne
gouvernance et pratiquer une démocratie interne avant de parvenir à cette
phase. L’avantage de l’ADEMA est devenu une menace perpétuelle sur sa
stabilité. La candidature naturelle
vaudrait mieux que des primaires qui chaque fois font planer le spectre d’une
nouvelle scission au sein du parti.
Ce problème de leadership n’est
peut-être pas d’actualité dans les partis qui ont à présent leur principal
instigateur en scène. Mais qu’adviendra-t-il de leur sort une fois que ce père
fondateur se sera retiré ? Le PDP après le départ de Me Drissa TRAORE n’a
pu résister aux multiples vagues de contestation du supposé leader en poste. Parlant
de candidat naturel, je ne regarde pas uniquement en direction du sommet du
parti, quel qu’il soit. Les organes des partis doivent être dirigés de
préférence par des personnes qui ont des mandats d’élus. Cela est une preuve
que ceux-ci peuvent mobiliser une partie de l’électorat en plus des militants
et faire gagner la formation politique.
Si l’ADEMA veut exploiter son
avantage de creuset de leaders potentiels et rendre service au peuple malien,
il prendrait des mesures internes pour que désormais son candidat à quelques
scrutin que ce soit puisse être désigné avec le moins de contestation possible.
Pour cela il procédera à une réforme dans ses textes. Le candidat à la
présidentielle se fera sur la base de la préséance au niveau de son Comité
Exécutif. Mais tout siège au niveau du CE sera conditionné à un mandat d’élu au
niveau national régional, (député, conseiller national) ou niveau régional.
Pour ceux qui perdent leurs mandats, ils devront être remplacés aux prochaines
élections dans les organes du parti. Pour les candidatures au niveau des
députés ou élus locaux, suivant la préséance au niveau des bureaux de section.
Et au moins les dix premiers membres des bureaux de sections devraient être des
porteurs de mandats d’élus (national ou local). Pour les candidatures au niveau
des élections locales suivant la préséance dans la section ou à défaut dans les
sous-sections. Au moins les cinq premiers responsables de chaque sous-section
devraient être porteurs de mandat d’élus. Ce mécanisme est fondé sur
l’occupation de terrain du parti et sur son poids dans l’électorat. Il mettra
beaucoup plus le parti en phase avec l’électorat, mais compliquera certes la
compétition interne.
Au delà de l’ADEMA la candidature
naturelle comme principe est fondé sur une démarche qui instaure une double
sélection des animateurs des organes politiques. Le choix des militants en
premier lieu et celui de l’électoral en second. Donc les échéances électorales
permettent la confirmation ou non des responsables au niveau des organes du
parti. Quel que soit le niveau de l’organe, le premier responsable à ce niveau
sait qu’il doit amener le parti au meilleur score possible. S’il est incapable,
sa sanction sera fondée sur l’échec du parti et un autre prétendant le remplace
avant les prochaines échéances. Cela permet au moins de mettre fin à un
nombrilisme au sein des formations politiques qui doivent intégrer le fait qu’elles
n’existent pas par et pour elles-mêmes.